En macronie, un doigt d’honneur en chasse un autre.
Du haut de sa micro-bulle sociale, la désormais célèbre Amélie Oudéa-Castera, éphémère ministre de l’Éducation nationale, avait affiché d’emblée son mépris profond pour l’école publique et sa communauté éducative. Elle a cristallisé ce choix indécent du privé par la « Start’up Nation ». Mais le tollé fut tel qu’il était impossible de la maintenir dans cette fonction. À peine avons-nous eu le temps de pousser un souffle de soulagement à l’annonce de son départ que nous sommes déjà saisis par une nouvelle provocation.
Guillaume Kasbarian est nommé ministre du logement. Inconnu du grand public, ce député Renaissance n’est pas vierge de déclarations sur le portefeuille dont il a la charge. Dans une lettre envoyée dans sa circonscription, il s’engageait à protéger « les logements contre l’occupation illicite » en facilitant les expulsions au bénéfice de « centaine de petits propriétaires ». Le nombre de mal-logés explose ? La part du budget consacré à l’habitat devient délirant ? Guillaume Kasbarian a choisi son camp, celui des propriétaires. Il emballe la sauce en ajoutant les « petits » mais la réalité, c’est que ce discours vise à construire des législations favorables aux gros, en protégeant le droit de propriété et en pénalisant ceux qui n’ont pas les moyens de se loger.
À la simple annonce de l’hypothèse de sa nomination, le président de la fédération des acteurs de la solidarité, Pascal Brice, a manqué de s’étrangler sur le plateau de France Info. Il y rappelait que le nouveau ministre « s’est battu pour que des Français qui ne peuvent pas payer leur loyer fassent des peines de prison ». Et menaçait déjà d’une mobilisation des acteurs du secteur si la rumeur était confirmée, voyant dans sa nomination à ce poste une « provocation ». « C’est une véritable gifle à tout le secteur du logement », a depuis renchéri le président de la Confédération nationale du logement (CNL). Au lendemain des 70 ans de l’appel de l’Abbé Pierre, le message envoyé avec la nomination de Kasbarian est d’un cynisme crasse.
La macronie gouverne par coups de canif successifs. Elle sème ses cailloux contre « ceux qui ne sont rien », pour reprendre la formule d’Emmanuel Macron. L’humiliation s’égrène, en discours et en actes, écrasant la tête des plus défavorisés. Ces gouvernants n’ont pas la main qui tremble quand il s’agit d’imposer des mesures contraires à l’intérêt du grand nombre. La réforme des retraites a montré de quoi ils sont capables. Dans leur monde, être impopulaire est un signe de courage. Alors ils osent la provocation jusqu’à l’obscénité. Avec le 49.3 et les mécanismes de la Ve République, ils peuvent cracher au visage de toutes les oppositions.
L’arrogance, le parti pris du petit nombre qui possède, la destruction de tout ce qui fait droit, lien et protection a un coût. Quand on gouverne, on ne peut pas impunément, éhontément, durablement affronter ainsi le peuple. Les douleurs infligées finissent par se retourner contre leurs auteurs. C’est pourquoi l’extrême centre est en train de s’effondrer. Tout l’enjeu est de savoir où va se reporter ce ressentiment que la macronie fabrique en quantité industrielle. Et donc de construire le réceptacle capable d’empêcher la haine de l’emporter, et de transformer les colères en espoirs. Nous le devons.
Clémentine Autain
Ce texte est paru initialement sur le blog de Clémentine Autain. A consulter sans modération !