Face au ras-le-bol agricole, la Confédération paysanne dénonce les conséquences du libéralisme économique et propose une voie de sortie en rupture avec le dogme du libre-échange.
Les mobilisations d’agricultrices et agriculteurs en France et en Europe, dont les dernières dans le Sud-Ouest, sont le symptôme d’une crise profonde de la rémunération et de la reconnaissance des paysan.nes.
Cette crise est la conséquence directe des politiques économiques ultralibérales menées depuis plusieurs décennies par l’Etat et l’Union Européenne, en cogestion avec la FNSEA au niveau national et le COPA-COGECA au niveau européen.
La Confédération paysanne souhaite que la colère dans nos campagnes soit enfin entendue et suivie d’effets sur la question du revenu agricole.
Nous demandons solennellement au président de la République Emmanuel Macron deux mesures concrètes et immédiates :
– l’arrêt définitif des négociations de l’accord de libre-échange UE-Mercosur, un moratoire sur tous les autres accords commerciaux en négociation et un réexamen de tous les accords en vigueur, concernant la concurrence déloyale engendrée par cette politique de libre-échange, y compris au sein de l’Union Européenne.
– Une loi interdisant enfin l’achat de nos produits agricoles en-dessous de leur prix de revient. La loi espagnole sur les chaînes alimentaires est ainsi un exemple possible d’instauration de prix planchers.
Alors que la grogne s’accentue sur les territoires, nous mettons en garde contre deux mirages proposés aux agriculteurs·trices par le gouvernement et d’autres syndicats agricoles, mirages qui servent à cacher les réelles causes de cette situation :
– Le mirage d’une “suppression des normes” qui résoudrait tous les problèmes. La réelle problématique est notre revenu paysan, pas l’existence de normes. Bien sûr, des obligations administratives excessives pèsent sur notre quotidien. Mais, supprimer toutes les normes va au contraire dans le sens d’une plus grande libéralisation, d’une concurrence de tous contre tous. Ce serait une fuite en avant destructrice, car les normes peuvent être aussi protectrices sur le plan de notre santé, de notre environnement et de notre revenu.
Nos droits sociaux sont ainsi à préserver. Nous refusons d’entrer dans le jeu d’un combat sans merci sur un marché mondialisé, qui ne fait les affaires que de grandes multinationales et de quelques-uns et fait disparaître les paysan·nes encore et encore. Affaiblir les normes pour la “compétitivité” si chère à la FNSEA sert d’ailleurs à justifier par la suite la poursuite du libre-échange et la mise en concurrence des paysan·nes du monde entier.
– Le mirage d’un revenu complémentaire issu de la production d’énergies. La FNSEA négocie sans cesse pour récupérer des avantages sur les agrocarburants, la méthanisation et l’agrivoltaïsme (présidente de France Agrivoltaïsme) – bien plus rente foncière que complément de revenu. La Coordination Rurale, elle, y voit sans vergogne une rente potentielle pour les exploitants propriétaires, même si cela se fait au détriment de l’installation-transmission. Nous, Confédération paysanne, nous refusons d’abandonner le combat pour un revenu digne issu de notre activité agricole elle-même. Les effets pervers du développement de ces énergies sur les terres agricoles sont innombrables.
En parallèle, l’extrême-droite instrumentalise les difficultés des agricultrices et agriculteurs, en leur faisant croire à une solution protectionniste via un repli nationaliste, antihumaniste et excluant. Dans les faits, celle-ci s’allierait, une fois au pouvoir, sans difficulté aux tenants du capitalisme débridé qui nous a mené dans cette situation. L’Histoire nous l’a démontré à maintes reprises, l’extrême-droite n’est pas du côté des travailleuses et travailleurs de la terre et de l’avancée des droits sociaux. Encore récemment, la majorité du groupe parlementaire d’extrême droite au parlement Européen a voté favorablement l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande.
Face à ce constat, la Confédération paysanne continuera à être mobilisée pour le revenu paysan et la reconnaissance de notre métier, comme cela a été le cas sur les MAEC, la bio, l’élevage plein-air ou sur les secteurs en difficulté comme l’apiculture, l’élevage et les fruits et légumes.
Face à l’urgence sociale et écologique, les solutions existent: partage équitable des ressources, partage des richesses, fonds de mutualisation des risques climatiques, instauration de prix minimum d’entrée sur le territoire national, régulation des marchés, priorité absolue à l’installation-transmission pour le renouvellement des générations, lutte contre la spéculation et toutes les formes d’accaparement du foncier, création de nouveaux droits sociaux pour les agricultrices et agriculteurs (droit au repos…)
Au regard de l’impasse actuelle, continuons à être force de propositions pour sortir de ce constat d’échec et réorienter durablement le développement agricole pour des paysannes et paysans nombreux dans des campagnes vivantes!
Pas de pays sans paysannes et paysans nombreux et rémunérés !