Lors de son allocution du mardi 9 novembre, pêle-mêle au milieu d’autres annonces sur la situation sanitaire, les retraites et le chômage, Emmanuel Macron a déclaré que la France se lancerait dans la construction de nouveaux réacteurs. Une déclaration floue, mais révoltante par son aveuglement sur la situation de l’industrie nucléaire et son mépris pour la démocratie.
Le chantier de l’EPR de Flamanville, en cours depuis 2007, est un fiasco lamentable, cumulant 11 années de retard, des malfaçons en série et des coûts multipliés au moins par 4, voire presque par 6 [1] ? Emmanuel Macron a délibérément choisi de l’ignorer, annonçant d’ailleurs que cette relance de la construction de réacteurs aurait lieu “pour la première fois depuis des décennies” ! Avec cette amnésie délibérée, le président-candidat compte donc enliser encore plus la France dans le bourbier d’une technologie polluante, dépassée, dangereuse et coûteuse ?
L’avenir énergétique de notre pays relève de choix de société qui devraient normalement appartenir aux citoyen.nes. En annonçant ces constructions comme une évidence déjà décidée, sans même évoquer de débats préalables ni les procédures légales qui devraient précéder de tels chantiers, Emmanuel Macron révèle son immense mépris pour la population. Pour le président-candidat, la délibération sur le sujet se retrouverait donc réduite aux débats dans le cadre de l’élection présidentielle, le vote final ayant valeur de carte blanche pour mettre en oeuvre son projet ? Il perpétuerait ainsi la tradition du fait accompli qui a prévalu jusqu’ici en France, où le nucléaire est le fait du prince et échappe à toute délibération démocratique !
Il est inacceptable qu’Emmanuel Macron entende ainsi nous déposséder de notre avenir, alors même que plusieurs études récemment publiées, qu’il s’agisse des travaux de RTE ou du scénario négaWatt, montrent que nous pouvons avoir le choix de notre futur énergétique : une France 100% renouvelable est possible, sans rupture d’approvisionnement et dans l’atteinte de nos objectifs climatiques.
Enfin, il est indigne de voir Emmanuel Macron, en pleine COP, invoquer l’argument climatique pour justifier la construction de nouveaux réacteurs. Alors que la France vient d’être condamnée pour son inaction climatique, le chef de l’État propose donc de se lancer dans des chantiers longs, coûteux et sujets aux retards ? Tabler sur de nouveaux réacteurs pour produire l’électricité “bas-carbone” de demain serait la plus sûre manière de rater nos objectifs de réduction d’émissions. L’annonce d’Emmanuel Macron, destinée à détourner l’attention de son inaction climatique, est d’autant plus révoltante que les services de l’État sont parfaitement conscients que les nouveaux réacteurs dont rêve EDF risquent d’être opérationnels bien plus tard qu’annoncé, comme indique un document fuité récemment par Contexte.com. Sans parler des difficultés de financement dont s’inquiétait un rapport de juillet 2020 de la Cour des Comptes sur la “Filière EPR”.
Nous appelons à faire barrage à ces projets de nouveaux réacteurs, qui enferreraient la France pour des décennies supplémentaires dans l’impasse d’une technologie dangereuse, polluante, dépassée et productrice de déchets ingérables. Ne nous laissons pas voler notre avenir !
Notes
[1] Alors que la dernière estimation d’EDF s’élève à 12,4 milliards d’euros ( contre 3,3 au départ), la Cour des Comptes a évalué en 2020 le coût total du chantier à 19,1 milliards d’euros
Le Réseau Sortir du Nucléaire, le 10 novembre 2021