1 – Les associations telles que Diwan, les Calandretes, les Ikastolas, ABCM-Zweisparchikeit et quelques autres ne sont en aucun cas assimilables au secteur privé : elles se sont constituées pour pallier l’inaction de l’Etat, évidente malgré les dénégations gouvernementales et en dépit de notre attachement à la défense du service public.
2 -Les associations ont en outre le mérite d’avoir incité l’Education nationale à inventer ses propres ‘contre-feux’ en ouvrant ses propres filières bilingues dès la maternelle. Dans ce cas avec une parité horaire entre français et langue régionale et parfois un début en immersion en maternelle.
3 – Contrairement à ce que disent ou sous-entendent ses détracteurs, l’immersion n’est jamais pratiquée dans le sens d’une submersion et d’une éradication larvée du français, mais dans le respect des rythmes et des réactions des enfants. Elle se justifie comme un dispositif compensatoire pour rééquilibrer les temps de pratique des deux langues, sachant que le français est omniprésent dans le quotidien des élèves.
4 – Un contre-sens absolument total et cependant très répandu est cette croyance selon laquelle une seconde langue à cet âge serait une surcharge et un frein à l’acquisition de la première langue, le français. C’est exactement le contraire qui se passe : les allers-retours permanents entre Langue1 et Langue2 chez l’enfant en classe bilingue lui donne une plus grande précision et une meilleure maîtrise non seulement de la langue régionale, mais aussi du français.
5 – La question d’une surcharge ou d’un surmenage ne se pose jamais. L’enfant acquiert la seconde langue – comme la première – à son rythme et selon ses besoins. A l’âge de la petite section de maternelle, l’enfant n’apprend pas de façon consciente et volontaire, mais à travers les échanges, les jeux, les comptines, les chansons et les récits, c’est-à-dire de façon intuitive et spontanée par un vécu. Or ce vécu ne lui vient que s’il existe autour de lui un environnement porteur : celui-ci lui est offert par l’immersion.
6 – Certains accepteraient les filières bilingues si elles étaient au profit de l’anglais. Sauf familles mixtes ou anglophones, ce choix ne tient pas compte de l’environnement réel de jeunes enfants qui ne découvriront l’anglais que plus tard avec la musique, les chansons et l’informatique. A cet âge, entre zéro et sept ans, des éléments existent encore — à côté du français — en soutien de la langue régionale : toponymie, géographie, histoire, chants et danses, contes et légendes, et aussi un bon nombre de vieux locuteurs natifs
7 – L’argument de l’égalité de tous les enfants et de toutes les régions renvoie à une égalité formelle, c’est un faux-fuyant et un prétexte idéologique pour refuser les réalités culturelles et linguistiques. Une anthropologie ouverte à l’Autre et émancipatrice accorde plus d’importance au respect des cultures qu’à l’égalité formelle et abstraite des élèves. Dans ce contexte, l’extension des filières bilingues à quelques langues de l’immigration est également souhaitable lorsque les effectifs le permettent. Ce, à une condition expresse : que ces filières, par exemple arabe/français ne soient pas des ‘enfermements’ et que des enfants de toutes origines y soient accueillis le plus largement possible. En ce sens, les ELCO sont une fausse bonne solution car les enfants non issu·es de l’immigration n’y ont pas accès.
8 – La loi Molac est un déverrouillage et un grand pas en avant institutionnel et culturel. Pourtant elle ne garantit pas un engagement résolu de l’Etat dans l’extension des filières bilingues précoces en général, et pour les langues régionales en particulier. Encore faut-il que la loi soit suivie de financements et d’exigences de moyens à hauteur des besoins. Ce, pour toutes les filières : associatives, et de l’Education nationale, sans discrimination, car elles ont toutes leurs mérites, leurs publics et leur utilité. Notre perspective à terme est bien de rassembler ces filières dans un service public engagé dans une transformation radicale, tout en respectant le travail pionnier des associations.
9 – Pour nous, cette défense du service public – et l’exigence de moyens – est inséparable de sa transformation radicale dans le sens de l’autogestion et de l’émancipation : il s’agit d’un seul et même mouvement, la transformation est nécessaire à cette défense et cohérente avec les moyens exigés.
Gilbert Dalgalian, Ensemble! 83