Note de lecture. Lucile Peytavin: le Coût de la virilité, sous-titre: ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme des femmes. Aux éditions Anne Carrière.
Ce qu’on apprend en 4ème de couverture la concernant: Lucile Peytavin est historienne, spécialiste du travail des femmes dans l’artisanat et le commerce. En 2016, elle rejoint le Laboratoire de l’égalité, où elle travaille sur la lutte contre la précarité des femmes. Le Coût de la virilité est son premier essai.
Ce livre stimulant lui a été suggéré par la lecture d’une statistique sur la population carcérale en France composée à 96,3% d’hommes. Elle s’est alors demandé pour quels types de délits, combien de fonctionnaires de police, de magistrats et de personnel pénitentiaire cela mobilisait. Mais aussi combien de véhicules, de locaux, de matériel et d’énergie dépensée? L’importance du coût humain et financier déployé? S’est interrogée sur les souffrances physiques et psychologiques d’une éventuelle victime, et les coûts de sa prise en charge.
Ce questionnement sur la justice, elle le reproduit pour toutes les politiques publiques impactées par la virilité, cause première de la délinquance et de la criminalité: forces de l’ordre, services d’incendie et de secours, santé, violences conjugales, maltraitance des enfants, stupéfiants, prostitution, insécurité routière, vols, atteintes à la sécurité de l’Etat, terrorisme.. tous domaines où les hommes sont très majoritairement mis en cause et reconnus coupables.
Elle répond aux interrogations sur l’origine du phénomène, les documente et les réfute: réalité depuis l’âge des cavernes? Influence de la testostérone? Envies irrépressibles? Facteurs sociaux?
Elle démontre l’existence dès la conception du petit enfant d’une éducation différenciée, consciente ou non, selon le sexe du bébé. Elle appuie son raisonnement sur des faits et des études connues. Elle met en cause le manque de volonté politique de donner les moyens à l’Education Nationale pour appliquer une politique égalitaire. Elle met en cause aussi la volonté délibérée de ne pas interroger le sexe des délinquants pour mettre en place de politiques qui répondent à la vraie source des problèmes.
Stimulant, vous dis-je, éminemment politique et d’actualité.
Elle met enfin au point une technique pour chiffrer les surcoûts dus à la virilité érigée en idéologie dominante: dans chaque domaine, part des hommes et part des femmes dans les responsabilités, et attribution à la virilité de la différence. Le mode de chiffrage des coûts engendrés est précisé, ainsi que les sources retenues, de même que sa méthodologie.
Laissons lui la conclusion: «En refusant d’éduquer nos garçons comme nos filles, nous condamnons l’Etat et la société à payer le coût de la virilité – 95,2 milliards d’euros par an, pour rappel – et nous nous condamnons tous à être victimes de souffrances physiques et psychologiques causées par les comportements asociaux des hommes… A l’heure où l’insécurité se retrouve une nouvelle fois au cœur de l’actualité, où le ministre de l’Intérieur parle d’ensauvagement d’une partie de la société, … il serait temps de s’attaquer à la cause réelle de la délinquance et de la criminalité en France. La création des programmes de recherche serait essentielle pour qu’un véritable programme de documentation et de quantification du phénomène soit entrepris, condition indispensable à la mise en place de politiques publiques efficaces pour lutter contre ce fléau.
La virilité est un ennemi difficilement saisissable. Elle prend la plupart du temps les contours d’un visage masculin, mais elle est en chacun de nous. Dans notre façon de penser, de nous comporter, de voir le monde. Elle façonne nos modèles éducatifs, nos rapports sociaux et modèle notre société. En cela elle est un ennemi difficile à déloger. Mettons fin tous ensemble à la virilité qui pervertit, qui viole, qui bat, qui tue, qui écrase, la virilité qui ruine.
Le coût de la virilité n’est pas une fatalité. »
Nantes, 1er mars 2023,
Aline Chitelman