Voilà pourquoi il faut une mobilisation de tous les secteurs de la société pour faire échec au projet de loi immigration du gouvernement porté par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Méchants partout, gentils nulle part
Le ministre de l’intérieur n’a pas caché le fond de son projet : il veut « rendre la vie impossible pour les migrant·e·s ». Il n’y a aucun « équilibre » dans une telle déclaration, ni « humanité » ni « valeurs » seraient-elles celles de l’état de droit.
Ajoutons à cela les déclarations répétées du ministre et d’Emmanuel Macron sur la base de « étrangers = délinquants » et on a aussi le contenu clairement raciste de la politique mise en place.
Dans des propos, populistes jusque dans la forme, Gérald Darmanin a déclaré qu’il voulait « être gentil avec les gentils et méchants avec les méchants ». La réalité de son projet c’est pourtant plutôt « méchants partout, gentils nulle part ».
Le projet tel qu’il a, jusqu’ici été présenté et tel que l’illustre la circulaire envoyée aux préfets le 17 novembre vise à renforcer la traque des migrant·e·s et sans-papiers et durcir tous les aspects de leur situation.
Mais il étend aussi son attaque à tous les étranger·e·s et, au-delà, à tou·te·s les travailleurs et travailleuses de ce pays.
Plus généralement il accélère le développement d’un État raciste et sécuritaire, d’une société d’inégalités, de contrôle et de surveillance.
Un pseudo « équilibre »
Le ministère communique selon l’idée qu’il y aura deux volets dans la loi.
L’un, visant à régulariser les « bons » sans-papiers et l’autre consistant à renforcer tous les moyens de répression et d’expulsion des « mauvais ».
D’où l’idée d’un « équilibre » entre un aspect « de gauche » – les régularisations – et un aspect « de droite » – la répression.
Mais le premier volet – régularisations – consiste en fait en l’instauration d’un nouveau titre de séjour dévalué par rapport aux critères existants actuellement aussi critiquables soient-il.
Car ce nouveau titre de séjour aura au moins deux aspects aggravant les titres de séjour actuels :
- il liera le titre de séjour à l’emploi dans des secteurs déterminés comme « en tension »
- la durée et la validité de ce titre de séjour dépendra d’une décision – gouvernementale, patronale ? – sur le maintien de la caractérisation « en tension » de ces secteurs
Plus encore qu’aujourd’hui cela soumettra la situation des étranger·e·s régularisé·e·s au bon vouloir du gouvernement et du patronat.
Criminalisation des étranger·e·s
La circulaire envoyée aux préfets le 17 novembre est une première indication du contenu répressif de la prochaine loi.
Systématisation et allongement des OQTF (Obligations de quitter le territoire) mais aussi des IRTF (Interdictions de retour sur le territoire français) – qui annulent tout ce qui a pu être accumulé pour rentrer dans les critères de régularisation – fermeront de fait la porte à toute possibilité de régularisation dans le futur.
La multiplication des centres de rétention, l’assignation à résidence, l’inscription des étranger·e·s sans-papiers à qui aura été délivrée une OQTF au fichier des personnes recherchées instaurent un véritable régime de traque et de criminalisation du statut d’immigré·e.
Ajoutons à cela la volonté d’étendre le domaine de la « double peine » qui double – pour les étranger·e – avec ou sans papiers – toute condamnation pénale d’une menace d’expulsion et on comprend bien que ce sont tou·te·s les étranger·e·s qui sont visé·e·s.
Une attaque contre tou·te·s les travailleuses et les travailleurs
Dans la même logique que la récente « réforme » de l’assurance chômage, que la volonté de lier l’attribution du RSA à une activité ou que le projet de « réforme » des retraites, le nouveau titre de séjour prévu par Gérald Darmanin correspond à la volonté d’imposer aux salarié·e·s les conditions de salaires et de travail dégradées exigées par les patrons des secteurs dits « en tension » pour pouvoir ensuite les généraliser.
Si nous laissons passer ces attaques les démagogues auront ensuite beau jeu de nous expliquer que les travailleurs et travailleuses étranger·e·s sont responsables d’un dumping social contre les français tout comme les chômeurs ou les séniors contre les actifs et actives ou les jeunes.
En réalité ce sont les inégalités imposées par les patrons et le gouvernement qui exercent une pression contre tou·te·s les salarié·e·s.
Une loi justifiée par des mensonges
Ce pouvoir est prêt à tout pour faire passer ses attaques y compris à recourir à des mensonges. Qu’importe de son point de vue si cela augmente le racisme et alimente le fascisme.
Gérald Darmanin comme Emmanuel Macron ont déclaré que la moitié des délits en région parisienne seraient commis par des étranger·e·s. Ils se sont appuyés pour cela sur des chiffres de la préfecture qui ne correspondent pas à des condamnations prononcées mais des « mises en cause » dont la plupart n’ont même pas été poursuivis.
Les chiffres officiels de la « délinquance étrangère » sont considérablement plus bas que ceux jetés ainsi en pâture et stables depuis des années (entre 14 et 16%). Très loin des 50%.
Par ailleurs, volontairement, Darmanin et Macron, mélangent tous les délits dont… les infractions liées à la régularité du séjour. Dans les condamnations d’étranger·e·s seules 0,8% concernent des crimes !
Le projet de loi sur l’immigration ne peut être déconnecté de la loi sur la police récemment adoptée qui accroît de 15 milliards d’euros le budget attribué à la répression.
Gérald Darmanin a par ailleurs déclaré qu’il fallait suspendre toute possibilité pour les étranger·e·s en situation irrégulière d’accéder aux aides sociales. Faisant ainsi mine d’ignorer que les Sans-Papiers… n’y ont pas droit pour la plupart !
Il joue sur un préjugé raciste, allègrement développé par l’extrême-droite, présentant les immigré·e·s comme venant en France pour « profiter » des aides sociales. Pourtant «Dans tous les pays, la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations est supérieure aux dépenses que les pays consacrent à leur protection sociale, leur santé et leur éducation» selon l’OCDE, dans un rapport qui porte sur ses 25 États membres entre 2006 et 2018.
Quelle société voulons-nous ?
Cela fait maintenant des décennies qu’on nous répète « qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». A tel point que c’est devenu un lieu commun.
Mais depuis 25 ans la France a doublé sa production de richesses (PIB = produit intérieur brut). Est-ce que sa population a doublé ? A-t-on accueilli des millions d’étranger·e·s ? Est-ce que les salaires ont été multiplié par deux ? Est-ce qu’on a divisé par deux le temps de travail ? Ou un mélange de ces mesures ? Non. La pauvreté a augmenté. Et la fortune des 500 personnes les plus riches a été multipliée par 7 dans le même temps !
Cet argument disant qu’il n’y aurait pas assez de ressources pour accueillir plus d’étranger·e·s (qui conduit à les laisser mourir en Méditerranée et ailleurs), lorsqu’il s’impose comme une évidence, peut être utilisé pour justifier qu’il n’y a pas assez de ressources pour les retraites, pour l’hôpital, pour le logement pour tou·te·s, etc.
Et cette société qui crée de plus en plus d’inégalités – sociales et en droits – est aussi une société où l’État devient de plus en plus raciste et sécuritaire.
Faire échec à la loi Darmanin sur l’immigration est un enjeu pour toutes et tous. Il s’agit de se battre pour un autre avenir, une autre société, un autre monde que celui de la pauvreté, des murs, de la guerre et du racisme.
Les collectifs de la Marche des Solidarités